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Les CRAMPES

L'auteur de l'article ci-dessous est JP Stéphan(ancien quadruple champion du monde masters vtt)

Tire toi, la crampe !

Dans les demandes de renseignements émanant d'internautes, revient souvent le problème des crampes, qui stoppent carrément certains compétiteurs. On voit de temps à autre un vététiste au bord du chemin, grimaçant, tirant sur un mollet ou une cuisse qui ne veut pas "revenir". Fâcheuse situation où l'on ne sait plus trop quoi faire, chaque mouvement pour éliminer une crampe en provoquant une autre dans un muscle différent… Je précise que cet article est surtout basé sur des observations personnelles, dans la mesure où les explications et remèdes concernant les crampes sont assez parcellaires et incomplets.

Et tu tapes, tapes, tapes, c'est ta façon d'aimer…

Remède d'urgence: taper avec le plat de la main sur l'endroit où apparaît la crampe. En procédant ainsi, on provoque un afflux de sang couplé à une sorte de "massage tonique" de l'endroit douloureux. La crampe se résorbe assez souvent dans ces conditions. On peut le faire en roulant si la crampe ne nous a pas encore terrassé. Moralité: dès que l'on perçoit les premiers symptômes, il faut taper dessus sans attendre, plusieurs fois, en faisant "claquer" la paume de la main pour que l'afflux de sang rougisse bien le muscle concerné. Il faut savoir ce qu'on veut!

Moulinex :

Les crampes apparaissent en général sur une contraction "appuyée":passage en force, montée sèche, attaque ou sprint sur route...Alors dès qu'apparaissent les premières alertes, il faut réduire le braquet et "tourner les jambes" en souplesse. Sans pour autant passer en "survélocité", car dans ce cas la fréquence élevée perturbe la coordination et provoque des mouvements parasites qui peuvent à leur tour favoriser l'émergence de crampes. Subtil…

Attendre et boire ("wait and…drink"), mais ne pas attendre pour boire !

Aussi étrange que cela puisse paraître, il est assez fréquent que les crampes disparaissent comme elles sont venues, un peu comme la crampe du nageur (sous la plante du pied), qui augmente puis cesse alors que l'on continue à aligner les longueurs de bassin. Cela renvoie d'ailleurs au caractère mal expliqué des crampes. Alors en attendant que ça passe, et pour que ça passe un peu plus vite, on réduit un peu l'allure, on tape dessus, on pédale en souplesse…et on boit beaucoup, cela peut aider le muscle à se débarrasser de certains déchets. Il faut absolument boire dès le début d'une épreuve, c'est même le moment où c'est le plus important. En buvant à vingt minutes de l'arrivée, on apporte de l'eau pour…l'après course. Les "pros jettent souvent leur bidon dans le dernier quart d'heure, ils savent bien que boire ne leur est plus d'aucune utilité à ce moment-là.

Mieux vaut prévenir que gémir :

Il est intéressant de boire beaucoup lorsque les crampes apparaissent, mais il est plus intelligent de boire abondamment dès le début de l'épreuve et surtout depuis la veille et dans la matinée qui la précède. Bien hydrater un organisme prend du temps. C'est d'autant plus important que la veille de l'épreuve on a plutôt tendance à se reposer et à stresser un peu (je parle surtout pour les jeunes…), autant de facteurs qui favorisent un certain encrassage musculaire. Un effort modéré la veille de la course, en s'hydratant abondamment, aide à conserver une musculature en bon état de marche, tout en oubliant un peu l'échéance du lendemain.

Va rouler !

Puisqu'il est question de prévention, la meilleure semble bien être un entraînement suffisant. Vous pouvez emporter toutes les barres et boissons énergétiques du monde, c'est peine perdue si vous manquez d'entraînement. "S'entraîner" ne veut pas seulement dire faire des heures de selle, mais bel et bien habituer son organisme aux "agressions" qu'il va subir en course: violence de l'effort, braquets importants, effort ininterrompu du début à la fin de la sortie, passages parfois négociés en force parce que l'on n'a pas eu le temps de changer de braquet…une somme de contraintes simultanées qui permet de comprendre pourquoi l'entraînement sérieux est la meilleure prévention des crampes en course, et qui nous rappelle pourquoi il faut respecter le sacro-saint principe de spécificité, surtout à l'approche des objectifs.

Ça ne manque pas de sel :

Récemment, une copine, qui allait faire le marathon de Paris, me disait qu'elle comptait emporter des pastilles de sel pour éviter les crampes. Je lui demandais alors si elle en avait déjà consommé: "Non". Je lui déconseillais alors formellement pour deux raisons: * D'une part elle allait tester un nouveau produit le jour de son premier marathon. Erreur! Il ne faut faire que des choses "validées à l'entraînement" lors des grands objectifs. * D'autre part, elle s'exposait à de gros risques: les pastilles de sel contiennent des quantités de sodium sans commune mesure avec celles contenues dans les aliments. Lorsqu'on ingurgite une pastille de sel, on modifie énormément la pression osmotique (concentration d'électrolytes) dans l'estomac. Or l'organisme cherche toujours à égaliser ces pressions. Il va donc répondre par un afflux d'eau issu des tissus. Double conséquence: les muscles se déshydratent, et l'estomac se gonfle d'eau. Ce dernier va ensuite réagir par une "vidange gastrique" (l'estomac envoie son contenu dans les intestins), meilleur moyen pour être victime d'une diarrhée. D'ailleurs, si les pastilles de sel ont eu leur heure de "gloire", on n'en entend plus guère parler actuellement. C'est un signe…

Banane !

La banane contient beaucoup de potassium et divers minéraux, beaucoup d'eau, plus du sucre "mais- pas-trop"…Contrairement à ce que certains disent, c'est un aliment très digeste, très apprécié des marathoniens, triathlètes, tennismen, cyclosportifs, et présent sur de nombreux ravitaillements vtt. Sans aller jusqu'à dire que c'est le remède miracle au problème des crampes, on peut la conseiller à partir du moment où elle est bien tolérée et apporte des nutriments qui la font ressembler à un produit énergétique en plus naturel. En plus ses sucres passent progressivement dans le sang, que demande le peuple?

Viandards :

Lorsque je pratiquais fréquemment l'escalade, j'avais souvent remarqué que si j'allais grimper après un repas trop copieux, mes avants-bras durcissaient bien plus que si j'avais mangé légèrement. On peut faire la même remarque en vélo: si l'on mange trop avant la course, les aliments "pompent" l'eau de l'organisme (un peu le même problème que la pastille de sel ; un gramme de glycogène nécessite environ trois grammes d'eau pour être assimilé par l'organisme ; raison de plus pour s'hydrater!) et favorisent l'apparition de crampes à l'effort. Il faut avoir confiance en ce que l'on a mangé la veille, le dernier repas ne sert pas à grand-chose en matière de fourniture énergétique, il rassure avant tout. Alors prenez-le léger et au moins trois heures avant le départ. Et n'y intégrez pas d'aliments gras ou fortement protéinés, qui ont besoin d'encore plus d'eau et de travail de l'organisme pour être métabolisés. Bref, entre un steak et une banane, y'a pas photo! En revanche, ne réduisez pas trop la ration alimentaire les derniers jours avant la course sous prétexte de vous affûter. Il m'est arrivé de descendre un kilo sous mon poids de forme avant une course…et de la terminer bourré de crampes! Déshydratation, manque de certains éléments essentiels à la contraction musculaire? Je ne sais pas mais ce que je sais c'est que trop maigrir affecte le fonctionnement musculaire aussi bien qu'être en surcharge pondérale.

Café qu'on sert…

On entend souvent dire que l'excès de café est source de crampes. Possible, même si je pense que c'est plutôt l'excès tout court qui encrasse l'organisme et favorise les crampes. Alors je dirai que le café est d'autant plus néfaste s'il est accompagné de sucres, de petits gâteaux voire d'alcool, et qu'il est bu en l'absence totale d'activité physique, vautré devant la télé. La remarque serait la même avec du pop corn, du Coca et que sais-je encore. Mais peut-être que les excitants contenus dans le café ou le Coca augmentent encore les chances d'avoir des crampes à l'effort.

Au lit !

Pour rester poli, je dirais que "le lit fait partie des endroits propices à retirer sa crampe"…excusez le jeu de mot! Plus sérieusement, dormir abondamment permet de mieux récupérer, donc d'avoir une musculature en bon état de marche, d'autant que le sommeil à un rôle anabolisant (faire du muscle). À l'inverse, les nuit écourtées, surtout si elles suivent une fête où les excès (alimentation et alcool) sont fréquents, sont une superbe source de crampes, voire de claquages en cas d'effort violent. Personnellement, je ne fais jamais une séance de musculation intense si j'ai fait une nuit courte, je trouve que c'est risqué. Heureusement, sur le vélo, les contractions ne sont jamais aussi intenses qu'en salle de "muscu", on peut donc aller rouler pour se décrasser après une fête, mais il faut s'attendre à un fonctionnement musculaire médiocre, donc lever le pied.

Chaud et froid…

06 avril 2003, ouverture de la coupe de Champagne à Chooz, frontière belge. Il fait 5°, le temps est couvert, il y a du vent…on est bien dans les Ardennes (rq: la sympathie des organisateurs a quand même bien réchauffé l'atmosphère). J'attrape quelques crampes dans les ischios de la cuisse gauche sur la fin. Je mets ça sur le compte de la météo et de l'intensité de l'effort. En effet, j'avais failli décider de conserver les jambières pour la course tellement je ressentais le froid (le privilège d'être affûté…). Et dans le dernier tour, l'intensité de la lutte avec Ludovic Dubau a fait le reste. Étant à peine lâché, j'ai tout donné pour tenter de le rejoindre, je me suis un peu arc-bouté sur le vélo au lieu de conserver un style coulé…touché! Heureusement, quand les crampes sont venues, je n'ai pas paniqué, j'ai remonté une dent, tapé sur le muscle durci, arrondi le coup de pédale, alterné quelques fois "danseuse et assis"…elles sont passées, ouf (et Ludo m'a pris une minute, argh!).

L'excès de chaleur peut avoir lui aussi des effets dévastateurs, surtout en raison de la déshydratation qui s'ensuit. C'est vraiment le moment où il faut "boire sans soif" et dès le début de la journée, bien avant le départ.

Positionnement adéquat :

Pas de changement de position au dernier moment parce que vous allez prendre le départ d'un objectif important et que vous voulez optimiser encore un peu plus les choses. C'est le meilleur moyen de se retrouver terrassé par les crampes! Une anecdote me revient: en juillet 2001, je me suis entraîné exclusivement sur mon vtt, y compris sur route avec des slicks, parce que je préparais le Grand Raid Cristalp et que je voulais être habitué à rouler longtemps en position vtt. Je m'y suis tellement habitué qu'une semaine avant le Raid, je suis allé courir une régionale sur route (proche de chez moi, pratique). J'ai fini couché dans un fossé au bout de 80km!!! Des crampes partout, c'était la première fois que ça m'arrivait à ce point. Je ne vois qu'une explication: le changement de vélo, donc de position et de rigidité, qui a agressé ma musculature. Il faut être pris pour être appris…même en réglant la position de son vélo de route comme celle de son vtt, il reste que les deux montures ne répondent pas de la même manière. Alors à l'approche des objectifs vtt, le plus sûr est de rouler souvent sur ce dernier. Toujours le principe de spécificité…

Etire toi, la crampe!

Les étirements ne font jamais de mal en cas de crampe, si tant est qu'elles ne soient pas tellement violentes que l'étirement d'une crampe d'un côté n'en provoque une de l'autre (ça arrive!). Attention néanmoins à ne pas confondre crampe et élongation ou claquage: il ne faut pas tirer dans ces cas là, on augmenterait la lésion!

Massage à tout crin…

Pourquoi pas. Utilisez alors un massage tonique, qui stimule la circulation sanguine: tapotements, frottements appuyés…le gant de crin peut être un auxiliaire intéressant, qui vous rougit les cuisses à la manière d'un bouquet d'orties! Ça peut être une solution pour aider le muscle à chauffer en conditions froide.

Mais au fait, d'où proviennent les crampes ?

Si je n'en ai pas parlé, c'est que l'on ne le sait pas très bien. On a longtemps invoqué l'accumulation d'acide lactique…alors pourquoi surviennent-elles parfois la nuit, au repos? On parle aussi du déficit en magnésium, potassium, calcium…mais certains en attrapent alors que leurs bilans sanguins sont normaux. D'ailleurs il semblerait qu'un excès de minéraux puisse autant favoriser les crampes que leur déficit. À méditer à l'heure du "toujours plus" et des aliments enrichis en ceci ou en cela.

Personnellement, j'ai tendance à penser que les crampes sont une des réponses à une "charge" inhabituelle et / ou excessive. On s'entraîne en collant long depuis trois mois, on prend le départ d'une course, il fait 5°, on met le cuissard court et on produit un effort plus violent qu'à l'accoutumée…pas étonnant que l'organisme ait du mal à encaisser le choc. Il est d'ailleurs fréquent que des coureurs se plaignent de crampes lors des premières compétitions, puis qu'elles disparaissent, comme si les premiers efforts violents avaient provoqué l'adaptation souhaitée.

Il paraît en revanche assez sûr qu'un repas trop "riche" juste avant une compétition favorise les crampes, de même qu'un laisser-aller général en matière d'alimentation. Cela aussi peut être envisagé comme une "charge inhabituelle et excessive". Personnellement, je sens la différence entre les semaines où je fais attention (avant un objectif) et celles où je me "lâche" un peu (semaine suivant un objectif). La musculature se "durcit" alors que je mange plus et que je m'hydrate moins sérieusement.

Ça me semble être la leçon la plus importante à retenir: hors cas pathologique, les crampes ou l'absence de crampe peuvent être envisagées comme un des indicateurs d'un entraînement, et plus généralement d'une hygiène de vie, de bonne qualité.

JP Stéphan 17 avril 2003

L'ENVERS DU VELO